Les événements qui ont secoué ma famille m’ont fait développer une hyper vigilance vis-à-vis mes enfants, en même temps qu’un certain effacement de ma propre vie. J’avais l’impression de ne vivre qu’à travers ce que mes fils vivaient… leurs peines, leurs occupations, leurs émotions. Évidemment, comme mère monoparentale, je leur ai longtemps réservé une grande part de moi… vous savez…ce réflexe naturel d’abnégation maternelle présent chez chaque maman, et qui se trouve décuplé après une séparation…et multiplié par mille quand celle-ci ne se passe pas super bien.
À la limite, il faut se demander si on ne laisse pas à nos enfants (surtout quand on est mère de garçons) la place qu’un conjoint devrait occuper… mais bon…je dis ça, je dis rien.
Après plusieurs années est venu un temps où j’en ai eu assez de cette existence par procuration. J’ai peu à peu réalisé à quel point je m’étais mise en veilleuse, à quel point j'avais oublié ce qui me faisait plaisir, ce qui me rendait heureuse, moi. J’avais passé trop d’années à me laisser définir par les événements difficiles de ma vie familiale… J’étais bien plus que ça !
Mais seulement voilà…. Je ne savais plus comment faire. Je me croyais prête à être en couple, mais c’était le désert de ce côté depuis un bon moment. Les seules relations que j’avais eu n’avaient rien fait pour contribuer à mon estime personnelle. En fait, c’était plutôt le contraire.
Oui bien sûr, il y avait les amies. J’en avais déjà de précieuses, présentes dans ma vie depuis longtemps. Plusieurs d’entre elles étaient en couple, donc seulement disponibles pour des soupers au resto de temps en temps. Quelques autres étaient célibataires, et je partageais avec elles d’agréables sorties à vélo ou d’autres activités, qui se terminaient en soirées de bonne bouffe et de profondes discussions autour d’un verre de vin (ou deux...).
Mais j’avais toujours cette impression de ne pas arriver à être complètement moi-même au travers ces amitiés, aussi riches et sincères fussent-elles. Bien sûr, je chérissais chacune de mes amitiés, mais il me restait une troublante impression de n’être pas entièrement comprise, et de ne pas me réaliser pleinement.
J’avais le sentiment d’être constamment à la recherche d’une émotion qui n’arrivait jamais, d’un déclic qui me ferait me sentir complète. C’omme si je cherchais ma place dans ma propre vie. J’avais déjà bien compris qu’une relation amoureuse ne changerait rien à cette ombre omniprésente.
Ma musique était un des seuls lieux réconfortants, où cette impression disparaissait. Radiohead, Half Moon Run (article à venir sur ma passion particulière pour ce groupe), Jean-Michel Blais ont été, et sont encore, les plus enveloppants. Depuis toujours, je laisse toute la place à mon côté intense et passionné dès que j’ai les écouteurs sur la tête. Je deviens alors entièrement présente à moi-même.
Je n’ai jamais réussi à faire comprendre à mes proches de quelle façon ma musique m’habite, me touche et me bouleverse, et pourquoi les larmes coulent presque chaque fois, particulièrement en concert. La musique n’a pas besoin de me rappeler des moments précis ou des souvenirs pour me faire pleurer… c’est sa beauté et sa complexité qui m’émeuvent et me font pleurer.
Comme la musique, l’écriture a toujours représenté un endroit rassurant pour moi. Elle me permet d’exprimer ces émotions et ces zones d’ombre que je ne peux expliquer à personne. Je ne compte plus les soirées passées à noircir des pages, en tête à tête avec ma musique.
Il m’est devenu évident que je devais multiplier et diversifier ces moments où je trouvais du bien-être, et pendant lesquels cette ombre disparaissait. Peu à peu, à force d’explorer et de chercher dans mon cœur et mon âme les zones qui manquaient de lumière et d’amour, j’ai cessé de considérer les journées, les soirées et les weekends que je passais seule comme étant du temps perdu, du temps sans plaisir. J’ai aussi cessé d’attendre que mes proches et amis remplissent cet espace. La dépendance affective ne se manifeste pas seulement dans les relations amoureuses…
J’ai commencé à explorer ce qui me faisait plaisir… J’allais me faire masser (merci Mélanie... Temps d'une pause) , je marchais dans le bois ou le long du fleuve près de chez moi, je m’y installais sur un banc pour méditer et admirer ce que j’avais devant les yeux, écouter les bruits que j’entendais. Je me suis mise à me cuisiner des soupers élaborés que je dégustais à la lumière des chandelles. J’ai entrepris des cours de yoga. J’ai pris goût à me louer des chalets quand ça m’était possible, à partir sur des escapades, sans attendre d’être accompagnée.
Longtemps je m’étais privée de ces plaisirs sous prétexte que je n’avais personne avec qui les partager. Ces moments pendant lesquels j’appréciais enfin ma propre compagnie m’ont révélé beaucoup sur moi-même.
Réussir à atteindre l’état dans lequel on se sent équilibré. e et sans attentes envers les autres est un grand privilège, un cadeau qu’on devrait tous s’offrir. Tout humain y a accès, par le chemin de sa propre histoire, ses épreuves, ses souffrances et ses moments de solitude.
Être heureux avec soi-même n’exclut pas de pouvoir être heureux à deux… l’idéal serait cependant de trouver un amoureux•se qui a fait le même chemin que nous.
La dernière question à laquelle il me reste à trouver une réponse est la suivante: est-ce qu’une personne « autonome de bonheur » qui se suffit à elle-même, pourrait être intimidante pour les gens qu’elle rencontre? À l'image que le sont pour certains hommes les femmes de carrière indépendantes ?
Le parallèle est intéressant et la question mérite réflexion…😉