Avant toute chose, je dois passer à la confession. J’ai longtemps tenu mon corps responsable de mon bonheur … et surtout de mon malheur et de ma solitude. J’étais absolument convaincue que je ne trouverais pas l’amour tant que je ne serais pas mince.
À maintenant 60 ans, je tiens à lui présenter mes excuses.
Si tu as déjà séjourné sur les réseaux et applis de rencontres, tu as évidemment eu à recevoir des commentaires sur ton apparence corporelle, que tu sois homme ou femme. Ta réaction a pu varier selon ton degré de confiance en toi. Pour moi, ça a été violent, car mon degré était passablement bas.
Je parle ici des années 2000 et 2010. J’ai abandonné tout ça depuis.
Chaque fois que j’avais une « date », je ne donnais pas cher de mon succès, car je partais avec la crainte de voir le gars me regarder avec jugement et réprobation. Je ne laissais pas beaucoup de place à la situation inverse…c’est-à-dire, comment moi je pouvais le regarder. En y repensant maintenant, je trouve triste de voir à quel point je donnais aux gars que je rencontrais le pouvoir de me juger selon mon apparence, et ce faisant, de me blesser et me diminuer.
J’ai toujours eu de bonnes excuses pour reporter mon bonheur.
À partir de ma séparation à la fin trentaine, j’ai imputé à mon corps « imparfait » une grande partie de la responsabilité de mes échecs amoureux. J’étais persuadée qu’au bout de mon 20 libres à perdre, TOUT deviendrait accessible pour moi.
Quand j’aurai perdu 20 livres, je me sentirai plus confiante.
Quand j’aurai perdu 20 livres, je serai en meilleure forme.
Quand j’aurai perdu 20 libres, je me trouverai plus belle.
Quand j’aurai perdu 20 libres, les gars me trouveront attirante…
Quand j’aurai perdu 20 livres, je trouverai l’amour.
Quand j’aurai perdu 20 livres, je ne serai plus seule.
J’en ai perdu. 20, 30, 40 livres, avec des applis bien connues. Wow ! La « drive » que j’avais ! Je devenais invincible! J’ai connu aussi le fameux yo-yo, qui montait et descendait, selon les aléas de ma vie… les priorités changeaient, et je reprenais le poids perdu. Et curieusement, je n’avais pas plus de« dates » concluantes après une perte de poids… Bien sûr, j’ai fini par comprendre que ces échecs répétés n’avaient rien à voir avec mon corps.
À un certain point, fatiguée des montagnes russes, j’ai décidé d’avoir recours à la chirurgie, convaincue que c’était le moyen ultime d’obtenir enfin le corps dont je rêvais. Réduction mammaire, liposuccion (procédure que j'ai trouvée très violente), qui m’ont menée à une satisfaction momentanée, mais éphémère.
En effet, j’ai apprécié mon nouveau corps pendant quelques mois, quelques années. Les modifications que je lui avais infligées n’ont pas tenu le test du temps et du vieillissement. J’ai compris que, au-delà de nos tentatives pour refaçonner notre corps, c’est lui qui décidera en bout de ligne. La nature reprend sa place, et le corps dans lequel on est né.e reprend ses droits.
À 60 ans, mes 20 livres de trop sont donc toujours là, mais l’enjeu est tout autre. Ma raison pour les perdre maintenant ne tient plus à l’approbation d’un éventuel chum ou à la quête de l’amour.
Mon corps a porté deux enfants, il a encaissé mes inquiétudes de mère, et le stress d’une séparation. Mon corps a encaissé les insomnies causées par les problèmes financiers et les soucis au travail. Mon corps a encaissé les répercussions d’abus psychologiques répétés. Mon corps a encaissé mon impatience et mes exigences démesurées.
Et pourtant, mon corps est toujours là, droit, solide, prêt à poursuivre sa route avec moi, malgré certains inconforts. Je lui dois beaucoup.
À 60 ans, ménopausée solo heureuse, j’ai 20 livres à perdre pour rendre hommage à mon corps, pour lui faciliter le reste de la route qu’il fera avec moi, je l’espère, du moins. À 60 ans, j’ai 20 livres à perdre pour remercier mon corps, et lui remettre tout ce qu’il m’a donné.